Dans l'abîme

Dans l’abîme

 

Et dans l’abîme se tenait le feu des antiques serments, de ceux qui ne s’oublient, face à face de l’évolution et de l’involution, et, alors que le tsunami emportait les dernières créations humaines, ce feu étincelait, insistant et glorieux, œuvre d’un enchantement aux lyres adventices des écumes blondes, ces sources de cristal qui sont catalyses de l’éternité.

Il y avait là, sans refuge le ciel d’un émoi, d’un frisson, et en son centre, comme une gerbe corallienne les fruits des serments d’hier passés par le tamis des tempêtes austères, des diluviennes clartés, des embrasements empiriques, calmes aux latitudes précieuses alors qu’en dehors de leur sérail les vents hurlaient, déployant une malédiction ordonnée sur cette temporalité baignée de miasmes et de scories, tournoyant dans les astres un désastre conditionné.

Voyant des âmes humiliées, des corps fatigués, des esprits annihilés, se révolter, hâlant de guerre en guerre des naufrages éprouvants, que la lune sombre guettait aux ourlets de nuages denses, violets et noirs d’un dantesque apprentissage, celui de la nuit qui, malgré l’immensité éclairante d’un soleil majestueux, transparaissait l’horizon d’un dessein monstrueux, celui de voir l’humain s’accoupler à la bête

Bête multiforme, ignoble en ses parures, répugnante en ses ajours, en toutes faces de la terre suintant l’ignominie et la perversité, d’une apparence perfide, reluisant de cette affliction commune aux plus vastes reptiles assoiffés du sang humain, l’affliction de la flagellation, cherchant l’empathie, l’affliction du gémissement, cherchant la courtoisie, l’affliction de l’hypocrisie.

Cherchant la compassion, perfides demeures de ces strates enchevêtrées dans la lie du monde insinuant toutes racines pour les détruire, inondant de ses bestiaux essors l’aporie de ce monde, désormais en faille organique où se tenait ce feu témoigné, un feu de renouveau s’épuisant à dire le verbe devant ces quelques représentants d’une humanité perdue au milieu de la sauvagerie de ce monde.

Un feu vivant qu’il nous faut désormais attiser surenchérissait le mage, un feu divin qui nous sera sacre déclarait le guerrier, et dans leur union, déjà se levait le Peuple compagnon, hissant la flamme de ce feu par-delà le naufrage, une flamme légère d’abord, une flamme presque inexistante aux yeux du monde d’alors, vautré dans l’immondice, la fange et l’ordure.

Une flamme unique, lentement fertilisant les demeures du siècle, épousant les contours, les aspérités, les affluents, les méandres pernicieux, allant à la recherche des essaims en voie du pollen, ce pollen du renouveau que la Voie toujours désigne, aux fleuves et affluents qui viennent des neiges éternelles, de la pureté primitive qui ne s’entache des grèves pourrissantes, des moires aisances et de leurs lieux, tourments qui devant les forces d’écumes reculent.

Tant leur beauté est principe de justice, tant leur Harmonie est rempart impérissable, là, préau d’une immensité qui se ramifie et lentement se coordonne, dans cet assaut du chant qui retenant son souffle, au levant pérenne dresse ses ailes pour d’un parcours sans égarement lever ses oriflammes, inscrites de verbes aux demeures, aux villes fécondes et aux labours sereins.

Vagues nuptiales recouvrant la terre d’une joie nouvelle à voir, comprendre et essaimer, dans une symphonie de couleurs, dans une formidable et impérieuse densité que nulle scorie ne peut destituer sinon que pour se destituer elle-même, le chemin du monde développant ses rives constellées, orientant ses nefs ouvragées dans la reconquête, la reconquête de la Vie sur la mort et ses embruns.

Dans une salve de bonheur, dans une ode olympienne ne se targuant de victoire sur celui-ci ou celui-là, mais bien au contraire intégrant chacun pour en révéler le chant, ce chant multiforme rayonnant de plus de mille feux irisant la sphère de l’aquilon qui ne se perd, car constructeur de règnes et de rêves, gardien de toutes faces de l’Humanité en leurs complémentarités, de l’orbe extatique la fertile renommée, gréant puisatières mille et mille écumes pour redonner aux fresques humaines leur densité.

Cette densité précieuse que d’aucuns croyaient perdue dans la servilité à l’atrophie, que d’aucuns pensaient ne plus revoir devant l’audace de la folie et de ses demeures couronnées, alors qu’en vérité, il eut suffi d’une seconde à ce chacun pour percevoir au-delà de l’ignominie la fragilité de cette orientation, bâtie sur le sable, retournant au sable.

Mirage d’électives correspondances sans envergure, sans propos, tout d’abîme ce jour retournant à l’abîme, ainsi alors que sur l’horizon s’élève le chant de ce monde, multiplié à l’infini par la correspondance de ses écrins, ses races, ses peuples, ses ethnies, cette humanité bruissant du langage de la Vie, sous le regard des guerriers, dans la volonté de la sagesse, dans la grandeur officiante mage.

Ainsi alors qu’en chaque demeure, chaque région, chaque Nation, chaque Internation composée, au cœur de ce monde officie l’harmonie loin de la dénature, de la complaisance, de l’aberration mentale, de la forfaiture et du crime, ainsi et pour les siècles et les siècles…

© Vincent Thierry