L’Etre éveillé

L’Être éveillé

 

Où la Sagesse se tient-elle dans ce monde ? Balbutiée sitôt défaite au sort des civilisations qui s’entrecroisent et se détruisent, tant de haine au miroir des sens qui guident les flux et les reflux de ce savoir inquiet qui ne sait se dire, qui ne sait s’offrir, qui ne sait jamais se transcender ! Paresse du songe aux larmes enfantées des stériles aventures pleuvant des mémoires ataviques, aux sources initiées de pavois rongés de rouille et de méprise, de temples azurés sans coupoles, atrophies des jours et des nuits aux citadelles rebelles, enhardies, disparaissant dans l’instant fuyant, dans ce silence fauve de la nuit qui rôde, passementerie des jours de l’agonie et aux sorts enchantés.

L’Être sera-t-il un jour affirmation de sa volonté de vivre dans l’éclat du plus beau jour, loin des faiblesses hantées des prévarications et du désordre qui le font lit de fortunes et de guerres outrancières, loin de la parure des âges qui a défait plus d’une saison dans l’inharmonie, l’infortune, et la détresse, encore plus loin des statuaires et de leurs velléités disgracieuses.

L’Univers accompli attend ce sursaut fécond de l’avenir devant frapper à sa porte, mais son sérail est vide, vide de millénaire en millénaire, l’imperfection rongeant de dissonances les effluves de ce cœur qui fut sans mystère, mais reste dans l’ornementation des ébauches fracassantes de vertus affleurant la puissance et la beauté, jamais ne les concrétisant sinon qu’en éperdant leur splendeur dans la dévotion de la mort et de ses habits mornes et sentencieux.

L’univers ouvrage et prie de la Vie l’ascension et la fulgurance et ne voit dans le cil de cette grâce qu’un pardon qui se fige, s’obstine et s’implémente de toutes folies croissantes, sans nombres visitant le feu de l’arc-en-ciel de ses semis, délaissé pour la pulsion motrice d’un outrage en répons, embelli d’une incarnation se prosternant à l’ombre saillit par l’infertile renommée d’un séjour aux abîmes.

Voici donc le monde dans sa lutte éternelle, son implacable densité qui émeut et force le respect dans la démesure de ses syllabes entonnant le Chant de la douleur et de ses menstrues, l’Être au milieu, dans la morne sentence d’un avenir sans finalité, sinon celle de la poussière du vide, vide de la conscience et de l’interprétation de toute conscience officiée, vide en ses nombres, vide en ses qualités s’abritant derrière le rempart des subterfuges et n’osant se prononcer de peur de perdre leur petit prestige, dans l’équivoque, l’hypocrisie.

Ces sursauts du néant advenant au néant les plus belles luminosités, inscrites telles les étoiles filantes, dans ce balbutiement désigné semblant par ces temps l’ordonnance suprême, à la ressemblance de celle qui parlait d’une terre plate et dont les esprits rebelles enchantaient les bûchers, vanité, vanité, épuisement de tout idéal, dont le Sage en la Sagesse formelle et non virtuelle ne s’entache, tant ce sacerdoce de l’incongruité se déploie.

Reléguant l’esprit anémié dans l’acculturation profane, par des prestidigitations dont les essors sont clameurs adulées, noires magies d’incantations devisées se perpétuant dans une involution tragique qu’il convient de regarder avec le détachement le plus pur, celui du chevalier sachant que dans le combat il peut vivre ou bien mourir, mais qu’à jamais ses actes témoigneront, au-delà du soi qui n’est qu’une illusion parmi les illusions lorsqu’il n’est transcendé dans l’immanence et sa parousie.

Ainsi au-delà de la vacuité le Vajra passe à travers ce monde, insensible aux éclairs comme aux pluies diluviennes, aux revers comme aux victoires, n’ayant d’autre but que l’accomplissement, ainsi doit être l’Être éveillé, debout au milieu des ruines de ces espaces civilisateurs destructeurs destinés à la poussière, afin de veiller sur l’accomplissement, tenant en ses mains le rameau vert de la Vie qui de nouveau flamboiera sur ce continuum de temps et d’espace en lequel il est composant intégré et intégrant.

© Vincent Thierry