Le facteur X

Le facteur X

 

Voici ce que l’on peut entendre, ici, là et ailleurs : "L’humiliation est la règle, le propos de l’incompréhension la novation », voici la nouvelle norme, et vogue la galère dans ces cercles qui devraient diriger et non abaisser !

Il faut tout supporter, se taire, ne jamais laisser apparaître sa déception, son amertume, la disgrâce étant toujours au bout du chemin. Il ne faut surtout pas s’impliquer, mais bien au contraire rentrer dans le rang, se taire, toujours se taire, subir, engranger cet état d’oppression, accepter l’inacceptable, se propager dans le néant pour lieux se préserver, tenir, tenir au milieu des houles des quolibets, des messes basses, des rancœurs, dans cet îlot marécageux où grouillent toutes les formes de l’abjection, tenir !

Maître mot d’une situation épouvantable où se dissout la personnalité, le devenir, l’avenir lui-même. Tenir pour ne pas se laisser broyer par l’inconsistance, le lavage de cerveau, tenir encore afin de ne pas céder au seul mouvement de la rébellion, toujours tenir ! Le relatif doit être le sursis de chaque heure, il faut relativiser cette permanence de l’indifférence, cette marque de l’irrespect le plus pavlovien, cette déréliction qui profite d’un moment de pouvoir pour écraser, sacrifier, dénaturer, diviser, éprouver, briser tout ce qui ne va pas dans le sens, non de la raison, mais de l’éblouissement du moi personnifié, errance que l’on doit assimiler pour survivre, épreuve que l’on doit regarder par-delà la faiblesse de ce que l’on sait être, car ici il convient de disparaître pour survivre !

J’imagine ce qu’a dû être la vie des emprisonnés du goulag ou des camps de concentration, ici le thème est identique sur le fond mais pas sur la forme, on ne lamine pas les corps mais les esprits !". Ne vous trompez pas, ce discours est celui du jour, et il ne souffre malheureusement pas d’exception, bien au contraire, le facteur x dans l’équation économique du profit étant retenu pour négligeable. Ainsi face à cette constante il convient de comprendre que dans un nid de serpents il n’y a pas de place pour les aigles.

En ce lieu, le cri n’est pas de mise, encore moins l’émotion, et face à cela la meilleure défense reste la voie du silence, le silence imperméable, le silence titanesque qui n’indique rien, qui ne laisse transparaître rien, ces riens qui sont augures de toutes perspectives, sauf celles attendues. Ces riens qu’il convient de mettre en évidence pour survivre !

Ici la condescendance disparaît, pour laisser apparaître le réel, ce réel qui respecte et se fait respecter, loin de l’inféodation, du tutoiement communiste, loin de l’emploi du prénom, premier détournement de la personnalité, loin d’un affectif qui ne correspond qu’à la forme ultime de l’hypocrisie, cette eau fétide en laquelle surnagent la coercition et l’aberration. Prenez mesure et déployez et vous verrez que de contraint et soumis, le respect naîtra, issu de votre comportement, totalement maîtrisé, de votre verbe essentiellement silencieux, ne fournissant que des réponses appropriées aux tâches conférées.

Ne vous laissez emporter par un quelconque degré de confiance, la confiance est le commencement de la reptation soumise, ne vous laissez abuser par un quelconque mouvement altruiste, il n’est que le reflet d’un engagement pernicieux qui vous perdra. Soyez dépassionné, totalement inclassable, inqualifiable hors vos compétences qui alors, débarrassées des subterfuges de pseudos rencontres amicales, se renforceront et vous feront respecter sur le seul terrain où on doit vous reconnaître.

En conclusion, ne soyez sous l’influence du temps que vous devez consacrer à vos besoins, mais bien au contraire influencez ce temps afin qu’il ne devienne que parti de ces riens que vous signifierez, afin de vivre pleinement ailleurs que dans ces mondes où sachez-le, vous n’êtes rien.

Considérez qu’au rien il faut opposer le rien et que dans cette conjugaison la Vie retrouvera sa vraie place entre les temps où cette opposition existera et ceux où cette abstraction ne sera pas de mise. Ainsi et vous verrez que l’avenir comme le devenir reviendront car libérés de cette promiscuité opacifiée vous tenant lieu par des temps qui finalement ne signifient rien à l’échelle de votre Vie !

© Vincent Thierry